lunes, 30 de mayo de 2011

L'envers de la récupération, la récupération à l'envers...



Dresser une liste exhaustive des combattants pour la justice sociale et des ouvriers -plus ou moins spécialisés - de la paix qui ont été récupérés, la plupart du temps à titre posthume, à des fins publicitaires ou de marketing serait une tâche titanesque à laquelle je ne compte pas m'atteler.

On se souviendra sans doute de la campagne d'Apple en 2000 où Gandhi nous avait livré un message depuis un hypothétique Au-delà gestionnaire de karmas : le fameux Think different de la firme de Steve Jobs. On pourrait presque s'étonner qu'il n'ait pas encore servi de muse à une compagnie d'assurances-vie et à des fabricants de gilets pare-balles, un service et un produit dont il pourrait d'ailleurs partager la vedette avec le Che, autre grand inspirateur des sérigraphes et des producteurs de mugs pour le petit déjeuner.

Au coeur de Madrid, entre le 15M y le 22M, c'est le phénomène inverse qui s'est produit, mais pour en arriver à l'affiche géante qui a servi de support à l'exposition de messages et revendications, faisons un détour par la France où le cas DSK, qui n'a pas fini de faire couler logorrhées verbales et épistolaires, renvoie au caisson des anecdotes sans intérêt le cas Bettencourt mère et fille+Bannier.

Y a t-il un lien entre ces affaires ? Pas pour le moment, mais il pourrait en y avoir un si l'empire cosmétique de Liliane choisissait, dans un élan de délicieuse provocation, Anne Sinclair comme prochain mannequin capillaire. À la question "Pourquoi vous êtes-vous laissé pousser des cornes d'abondance ?", l'ex-étoile de 7 sur 7 pourrait répondre: "Parce que je le vaux bien".

Mais celle qui le vaut bien pour le moment en Espagne, c'est Paz ("Paix") Vega, une actrice andalouse qui perce depuis quelques années à Hollywood en se prodiguant dans des productions de deuxième ordre et que vous avez peut-être vue il y a dix ans dans le film de Julio Medem, Lucie et le sexe. Sur l'affiche du film, Paz portait ses cheveux mi-longs dépeignés, le sal marin lui ayant servi d'après-shampooing. Sauvageonne plantureuse, elle était en train de se convertir sans en être trop consciente en l'ambassadrice culturelle de Formentera.

Depuis, l'île des Baléares a en grande partie perdu ses airs al libitum qui avait fait sa réputation auprès des artistes en mal de recoins déserts, Paz Vega a immigré aux États-Unis, s'est mariée, a eu trois enfants et perdu ses rondeurs et l'Espagne a dégringolé de ce nuage de bien-être dont la consistance s'apparentait à celle de la barbapapa, puisque faite de crédits à tout-va, de briques dont un grand nombre forme maintenant des lotissements fantôme tout au long du pays.

La montgolfière qui avait fait décoller les Espagnols d'un passé tissé de privations et de répressions a explosé en vol, à l'image de la bulle immobilière dont l'éclatement a laissé des cratères d'une profondeur insondable dans le système financier et dans l'économie des familles, cela va sans dire.

Et puisque Paz Vega n'arrive pas à se tailler la part de la lionne dans la Mecque du cinéma, toute éclipsée qu'elle est par l'éclat félin de Pénélope Cruz, elle met toutefois ses pieds dans les traces de son aînée à se faisant payer (cher, sans nul doute) le privilège d'être la nouvelle muse l'Oréal.

Ainsi pouvait-on la voir jusqu'au milieu de l'après-midi du jeudi 18 mai sur l'affiche géante telle qu'elle apparait au début de ce post.
Mais dans la soirée nuageuse de ce même jour, les manifestants lui ont, sans lui demander son avis, imposé un sparing partner peu recommendable.


Les participants peu sujets au vertige qui ont grimpé sur la terrasse de l'immeuble par l'échafaudage connaissent-ils la supposée collaboration entre la marque et le nazisme ? Pas si sûr. En revanche leur message est clair : l'euro, c'est le néo-fascisme.

Mais le tuning de l'affiche n'allait pas en rester là. Quelques heures plus tard, le shampooing Elvive avait déjà été transformé en...

Et oui, Vive la Révolution ! De la brillance et du volume capillaire au cri de rassemblement, il n'y avait que quelques pas, que quelques périlleux échelons à gravir.
À cette hauteur-là, la marque en tant que telle ne pouvait rester à la traîne : il lui fallait servir la cause des Indignados, s'unir au mouvement, annoncer la couleur.
C'est ce qu'elle a fait de plein gré, à peine aidée par quelques sprays brandis par de vaillants acrobates. Ainsi l'Oréal s'est transformé en...

Et oui ! En "democracia real" - "Démocratie réelle". Un grand merci à notre bienfaitrice, la grande Liliane. Qu'en pense-t-elle ? "Ces jeunes n'ont pas de travail ni d'avenir, qu'ils aient au moins une hydration maximale pendant 48 heures" ?

Il n'y a pas de coïncidence, paraît-il. Impavide, Paz Vega semblait disposée à se prêter à la récupération à l'envers dont elle et son sponsor du moment allaient faire l'objet. L'échafaudage tombait bien, d'autant qu'aujourd'hui, lundi 30 mai, il est toujours en pied et l'affiche intacte, c'est-à-dire encore le support d'un collage géant qu'on serait tenté de prendre comme le symbole d'un véritable retournement des vents, d'une époque nouvelle où les marques vont se plier au véritable pouvoir du peuple et non le contraire. Utopie ? Sans doute, mais pourquoi pas ?

Pendant ce temps-là, à Paris, place de la Bastille, les Indignés français luttent contre le délogement sous le patronage. moins mercantile certes, plus culturel - car on n'est pas dans le coeur de la capitale française pour rien - du Crépuscule des dieux.

Le crépuscule des dieux de l'Oligarchie qui se voient déboulonnés de leurs piédestals respectifs ces temps derniers par la pression des peuples lassés de décennies de dictature : c'est le cas de Moubarak, de Ben Ali alors que Kadhafi et Bachar-el-Assad démontrent des talents d'équilibriste illusioniste.
Demi-dieux mettant leur part de divinité - alias immunité - et de mortalité à l'épreuve en se livrant à des actes d'auto-sabotage qui font penser à des lapsus manqués de primer degré : DSK piqué au vif dans son talon d'Achille qu'il porte, à cause d'une curieuse remontée d'organes, dans les parties génitales ; John Galiano, diva de la mode, dont le patron - Sydney Toledano - est juif sépharade, confessant à la terrasse d'un bistrot parisien son amour pour Hitler...

Sans parler de Lars Von Trier dont j'ignore s'il se prend pour un dieu pour avoir voulu sortir le cinéma des griffes de l'artifice en élaborant, tel le Moïse du 7ème art, le Décalogue du Dogme 95.

Ah, j'allais oublier BHL, JFK (Jean-François Kahn, pas l'autre), Jack Lang...

Pendant ce temps-là, on n'a toujours pas retrouvé la version amphibie de Ben Laden et c'est une bonne nouvelle pour le Brésil.
Car après avoir cartonné en nous vendant ses tongues, le grand pays sud-américain devrait se faire plein de fric cet été en inondant le marché mondial de palmes de plongée de toutes les couleurs. Sans nul doute l'article le plus trendy pour faire du snorkelling dans la mer Arabique.

Que la Paz soit avec vous ! (Et avec votre après-shampooing hydratant)

J'ai pris les 4 photos de l'Oréal sur la Puerta del Sol, à Madrid, et ai trouvé celle de la Bastille sur le web.

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